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Pierre Gervasoni « Mayu Hirano, la musique à fleur de peau, la compositrice japonaise conçoit des œuvres d’une grande finesse qui relèvent souvent d’une expérience tactile »
Le Monde, 27 mai 2021

 

https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/05/27/mayu-hirano-la-musique-a-fleur-de-peau_6081635_3246.htmlfbclid=IwAR2dHuoAB7Q_JR09UTjuEulNURfNBU0HDu1mlypFxgs2Quy9eUZbEKB9eQ

Pour Mayu Hirano, née à Yokohama, au Japon, en 1979, la musique est avant tout affaire de perception sensorielle. Sans doute parce que dès l’âge de deux ans, elle s’est emparée du violon de son frère pour tâter du son en improvisant. La compositrice veut aujourd’hui susciter une « écoute charnelle qui évoque le toucher, la peau, le souffle » et, plus généralement, la réalité du corps humain. Ces trois éléments ont donné lieu à des développements musicaux d’importance. D’une part, Skin Memory (« mémoire de la peau », 2019), pour quatuor à cordes et électronique, qui joue avec les multiples facettes d’une surface frémissante. D’autre part, Toucher (2018), pour piano solo, qui se fonde sur différentes formes de contact du clavier. Enfin, Instant suspendu, une pièce créée en 2014, dans le cadre du cursus de l’Ircam, qui mise sur la respiration de l’accordéon à travers son soufflet relayé par l’électronique.

Avant de se fixer en France, en 2006, Mayu Hirano est passée dans son pays natal par toutes les institutions dévolues à la musique occidentale. Collège, lycée, puis université (Tokyo Geidai) où elle a étudié non seulement le violon et le piano mais aussi l’écriture et la musicologie. La thèse qu’elle a soutenue en 2003 – sur « l’expérience physique et la musique répétitive » – semble annoncer le travail qu’elle développera dans Toucher, où des accords récurrents constituent la base obsessionnelle d’une expression très plastique qui file sur une nappe souterraine entretenue par l’usage de la pédale « silencieuse ».

 

Une sculpture du temps

 

Formée à la composition en France, principalement par Jean-Luc Hervé et Yan Maresz au conservatoire de Boulogne-Billancourt, après avoir abordé la création en autodidacte, Mayu Hirano s’engage dans des projets qui font la part belle à l’électronique. Par exemple avec le diptyque qui réunit Instant suspendu (2014) et Singularité (2015), le premier volet relevant de l’exploration et le second de la projection, dans tous les sens du terme puisque la prestation des musiciens (accordéon et quatuor à cordes) accompagne une vidéo.

Si la compositrice compare souvent son travail à une sculpture du temps et de l’espace, elle aime aussi à rapprocher la nature du son et celle de la lumière, l’un et l’autre déclinables en spectres. A ces références, omniprésentes dans la nature sensuelle de sa musique, se sont ajoutées des données propres au cinéma dans la partition que Mayu Hirano a conçue pour Une page folle, film muet tourné en 1926 par Teinosuke Kinugasa (création le 4 juin). Considérant que l’espace du film, y compris sur un plan psychologique, « tend naturellement » vers celui de la musique, au même titre que le jardin japonais qui se situe dans le prolongement d’une maison, Mayu Hirano a voulu le dynamiser par l’adjonction « de plusieurs types de couleurs de différentes intensités, textures et expressions, à la manière du “suibokuga”, cette technique picturale japonaise du lavis, qui esquisse les paysages au moyen de diverses nuances de noir et de blanc ».       

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France musique,

Le Cri du Patchwork

25/12/2018

Toucher 

Analysed par Hugues Dufourt 

Hugues Dufour, dans l’émission Le Cri du Patchwork de Radio France, présentant des compositeurs succédant à la musique spectrale de Gérard Grisey, parle dans « Du son et de l’énergie » de l’originalité de la forme musicale de Toucher et de la notion du temps particulière à la pièce;

“Toucher pour piano est un titre d’une “prétention”, d’une ambition extraordinaire car le toucher est la matrice de la sensorialité. Il y a dans cette pièce pas simplement la douceur, suavité, ou même l'érotisme du toucher; il y a des situations de crises, de vertige, de faiblesse qui viennent bouleverser    le dispositif de la perception...Il y a aussi des moments de luxuriante léthargie où l’on a l'impression que le passé l’emporte et finalement domine le temps. Il y a aussi des passages de perturbation temporelle, la fluidité du délire, la fuite des idées, le sentiment d’enlisement. Toutes ces lectures en font l’originalité...toutes ces lectures sont possibles à la fois et peuvent coexister...l’ordre de la pièce n’est pas à chercher dans une succession temporelle, ni même dans un emboîtement de structures; c’est une espèce de monde qui fait toujours retour sur soi-même et qui construit une sorte d’identité problématique. D’un mot je dirais que l’opulence harmonique se fraye un chemin difficile au travers d’obsessions rythmiques, d'irruptions stridentes, de violents contrastes de textures. Alors je pense irrésistiblement       à Freud, qui écrivait en 1936: “La doctrine des pulsions est pour ainsi dire notre mythologie”.”

SETH COLTER WALLS, Five Nights of New Music, From Gentle to Terrifying, The New York Times, 07 août 2017

The veteran composer Chaya Czernowin’s 2016 work “Ayre: Towed” (an abbreviation of a much longer and more poetic title) initially established a coolly grave air, thanks to plumes of ominous percussion and slowly bowed strings. But Ms. Czernowin’s music rarely stays settled for the entire length of a piece. Approximately halfway through the 10-minute work, violently leaping bass clarinet figures broke free from the otherwise low-volume sound — upsetting the piece’s ghostly stasis, and providing another chance to admire Ms. Czernowin’s flair for dramatic effects.

Some of that same blitzing energy was heard in “Bloom,” by Mayu Hirano, an academy attendee — a sharply orchestrated work that reveled in punchy rhythmic elements and gradually massaged mercurial, knotty piano chords into a memorable progression.

LINK :

https://www.nytimes.com/2017/08/07/arts/music/review-time-spans-georg-haas-john-luther-adams.html

Festival Musica de Strasbourg : inventions et découvertes

Le 05 oct 2015

FESTIVAL MUSICA. Strasbourg, du 1er au 3 octobre.


Critique musical of Patrick Szersnovicz on "Singularity" for accordion, string quartet, electronics and video

 

Si, depuis des décennies, l'élément visuel et spatial a pris une extension considérable dans l'évolution de la pensée compositionnelle, la théâtralisation de l'acte musical a donné lieu à de nombreux ratés. Tel n'est vraiment pas le cas des trois œuvres scéniques présentées conjointement, avec beaucoup de soin et de maîtrise technique, par l'Ircam, le Théâtre national et le Conservatoire de Strasbourg. On retiendra tout particulièrement Singularité pour accordéon, quatuor à cordes, électronique et vidéo de Mayu Hirano (née au Japon en 1979). Evitant les pièges habituels du « théâtre musical » et le cache-misère que peut devenir la multiplication des sources, cette page sobre, mystérieuse, se déroulant néanmoins au sein de climats fantasmagoriques et hauts en couleurs, marie en une osmose quasi parfaite le son et l'image, la rigueur et la densité poétique. A n'en pas douter, une musicienne de race et de tempérament parle ici ! (Par Patrick Szersnovicz)

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