MAYU HIRANO



Mayu Hirano, compositrice japonaise née à Yokohama, vit et travaille à Paris depuis 2003. Après avoir obtenu les prix première nommée de violon, piano et harmonie au conservatoire de Kitakamakura en 1998, elle étudie à l’Université nationale des Beaux-Arts et de la Musique de Tokyo (Tokyo Geidai). Elle commence à se former à la composition en autodidacte, étudiant d’abord la musique électronique avant de revenir à la musique instrumentale. En quittant le Japon elle obtient sa maîtrise de musicologie avec un mémoire intitulé « L’expérience physique et la musique répétitive ». Dès lors, elle se consacre à la composition en étudiant avec Jean-Luc Hervé et Yan Maresz au Conservatoire de Boulogne, et reçoit le prix Sacem en 2012.
En 2013 elle intègre le Cursus en composition et informatique musicale à l’Ircam, où elle travaille avec Hector Parra et réalise sa pièce Instant Suspendu pour accordéon et électronique, en diptyque avec Singularité, pour accordéon, quatuor à cordes avec vidéo en temps réel, composée pour le Cursus 2. Ces pièces explorent la perception du temps comme sensation, la question du moment et du temps suspendu, créant une illusion d’éternité qui convoque l’infini temporel par l’étirement de l’instant grâce à l’électronique. Durant ces années, elle reçoit également l'enseignement de la composition avec Beat Furrer, Brian Ferneyhough et Chaya Czernowin.
Mayu Hirano crée son langage musical autour de la perception sensorielle, le système évolutif de la mémoire, les effets de seuil de la perception humaine; des thématiques qu’elle développe dans la pièce Toucher (2018) pour piano, commande de France Musique pour l’émission Création mondiale. Hugues Dufour, dans l’émission Le Cri du Patchwork de Radio France, présentant des compositeurs succédant à la musique spectrale de Gérard Grisey, parle dans « Du son et de l’énergie » de l’originalité de la forme musicale de Toucher et de la notion du temps particulière à la pièce; “Toucher pour piano est un titre d’une “prétention”, d’une ambition extraordinaire car le toucher est la matrice de la sensorialité. Il y a dans cette pièce pas simplement la douceur, suavité, ou même l'érotisme du toucher; il y a des situations de crises, de vertige, de faiblesse qui viennent bouleverser le dispositif de la perception...Il y a aussi des moments de luxuriante léthargie où l’on a l'impression que le passé l’emporte et finalement domine le temps. Il y a aussi des passages de perturbation temporelle, la fluidité du délire, la fuite des idées, le sentiment d’enlisement. Toutes ces lectures en font l’originalité...toutes ces lectures sont possibles à la fois et peuvent coexister...l’ordre de la pièce n’est pas à chercher dans une succession temporelle, ni même dans un emboîtement de structures; c’est une espèce de monde qui fait toujours retour sur soi-même et qui construit une sorte d’identité problématique. D’un mot je dirais que l’opulence harmonique se fraye un chemin difficile au travers d’obsessions rythmiques, d'irruptions stridentes, de violents contrastes de textures. Alors je pense irrésistiblement à Freud, qui écrivait en 1936: “La doctrine des pulsions est pour ainsi dire notre mythologie”.”
Hirano continue d’explorer ces thématiques avec sa pièce Skin Memory (2019), pour quatuor à cordes et électronique, dont elle dit : « En évoquant le toucher - de la peau, du souffle et de la transparence - et le poids du son et de la lumière, je voudrais travailler à créer une ambiance intime et sensible entre le monde du rêve et de la réalité qui se dévoilerait délicatement comme un prisme de lumière qui apparaîtrait, selon l’angle visuel, dans le brouillard. ». Ensuite elle réalise Sillage (2021) pour piano, puis Le Jet d’Eau (2022) pour chant et piano sur le poème éponyme de Charles Baudelaire, dans lequel elle peint l’espace avec la lumière de la pulsion énergétique résultant de la friction entre différents flux temporels, différentes couleurs. Le Jet d’Eau est nommé dans le répertoire du concours de chant Georges Enesco en 2023.
Mayu Hirano reçoit des commandes d’importantes institutions musicales et de festivals parmi lesquels Radio France, Ars Musica, Art Zoyd studio, l’Ircam et Centre Pompidou. Elle est sélectionnée pour l’académie d’été d’Earle Brown Music Foundation à New York en 2017, création par l’Ensemble Talea. Elle est lauréate du concours Art Zoyd Studios pour une résidence artistique en 2019, création avec le Quatuor Tana. En 2021, elle reçoit une commande de l’Ircam en collaboration avec le Centre Pompidou pour Une Page Folle, musique électronique fixée pour le film muet expérimental japonais du même nom (1926) dans le cadre de Manifeste et du Festival de Fontainebleau, en partenariat avec Les Cinémas de Beaubourg.
Elle reçoit par ailleurs des commandes de l'Ensemble InterContemporain et de l’Ircam pour alto et électronique dans le cadre de Manifeste 2024 à la Philharmonie de Paris, ainsi que de l’ensemble Court-Circuit pour 2025.
Ses œuvres sont publiées par Universal Edition (Vienne) depuis 2021.